DES CÉPAGES RÉSISTANTS AU MILDIOU ? LA FAUSSE BONNE IDÉE QUI MET EN PÉRIL NOTRE PATRIMOINE VITICOLE.




DES CÉPAGES RÉSISTANTS AU MILDIOU ? LA FAUSSE BONNE IDÉE QUI MET EN PÉRIL NOTRE PATRIMOINE VITICOLE.

 


Face à la pression sociétale contre les pesticides et aux défis du réchauffement climatique, les pouvoirs publics et certains syndicats de vins d'AOC engagent d'importants moyens financiers et déploient leur lobbying pour favoriser l'introduction de cépages hybrides résistants. Une solution qui signe à terme la mort de nos AOC.

 

Ça y ressemble mais ça n'en n'est pas !

 

Un peu de botanique est nécessaire pour comprendre en quoi cette approche, si séduisante au premier abord, peut s'avérer destructrice à plusieurs titres.

À l'origine de notre vigne, on trouve la Vitis Vinifera, une espèce européenne qui a donné naissance à près de 5 000 variétés de cépages. En France, on en dénombre quelque 250 dont parmi les plus utilisés : le merlot, le grenache, la syrah pour les rouges ou l'ugni et le sauvignon pour les blancs,  

Malheureusement notre vigne de prédilection, dont nul ne conteste qu'elle est la mère des plus grands vins au monde, n'est pas résistante au mildiou ni à l’oïdium, au contraire d'espèces sauvages venues d’Amérique.

L'idée a donc germé de croiser notre espèce, domestiquée depuis des siècles, avec une autre, la Vitis Muscadinia, fière sauvage qui arrive tout droit du sud-est des États-Unis où elle fait merveille dans les climats chauds et humides. L'objectif étant de rendre résistante notre Vitis Vinifera en l’hybridant avec sa cousine d'Amérique.

Il est bon de rappeler ce qu'est une espèce. Sa définition est précise : appartiennent à une même espèce les individus qui peuvent se reproduire entre eux et dont la descendance est féconde de génération en génération.

Notre belle idée se heurte donc à une question génétique de base : la Vinifera et la Muscadinia sont deux espèces différentes et leur croisement ne peut engendrer que de la stérilité. Ne pouvant être fécondés avec leur parent direct, il faut donc les croiser à plusieurs reprises avec des lignées très éloignées qui inévitablement vont faire perdre ses caractéristiques à notre cépage d'origine.

Faisons l'expérience avec un cabernet sauvignon, cépage emblématique du Bordelais. Au bout de l'aventure, notre Vitis Vinifera, en dernier croisement, pourra ne représenter que 1,56 % de la variété obtenue et au mieux 50 %.

Et de fait, quel sera le goût de ce rejeton ? Comment peut-on espérer préserver la typicité d'un vin dont le cépage d'origine est ainsi diminué voire quasi disparu ?

Aujourd'hui, le monde a enfin pris conscience de l'importance majeure de préserver notre biodiversité : en France, nos plus anciens cépages sont désormais sauvegardés dans des conservatoires pour ne pas voir s'éteindre les variétés locales et notre patrimoine génétique viticole.

Pourtant, ces apprentis sorciers mettent en danger l'incroyable diversité de ce patrimoine, fruit du travail des vignerons au cours des siècles qui ont sélectionné par l’observation, le goût, la qualité...

C’est une grave erreur que de parier ainsi sur un avenir stérile… qui de plus risque de lier pieds et mains nos vignerons aux commercialisateurs qui détiendront ces nouvelles variétés ; ils perdront le contrôle de leur sélection et de leur choix au sein même de leur vignoble.

Et tout ça pour quoi ? Quand bien même nous partirions sur cette voie, il est déjà acquis que le mildiou est capable de s'adapter et de muter pour contourner la résistance génétique. Les premiers résultats le démontrent déjà.

 

Que faire ? Réorienter notre recherche et ouvrir le débat

 

Actuellement, la mise au point de cépages résistants fait l’objet d’une recherche appuyée et dispendieuse de la part de nos organismes publics et interprofessionnels. Pourtant, aucun débat n'a été instauré, ni aucune communication sur les conséquences de telles pratiques. Il semble plus facile de faire miroiter l’arrêt des traitements anti-mildiou en omettant d'alerter sur la fin de nos cépages d’origine et d’évoquer la question de la cohabitation dans les mêmes secteurs de vignes pseudo résistantes avec des cépages qualitatifs originels.

Il est incroyable et inadmissible qu'aucun débat n'ait eu lieu dans aucune région, cela confirme l'archaïsme d'une gestion agricole qui refuse toute autre recherche.

Nous devons ouvrir d'autres voies, chercher d'autres itinéraires culturaux.

La recherche est essentielle mais il convient de la réorienter en y consacrant des moyens conséquents pour mettre en œuvre une approche écologique globale de la vigne.

L'agronomie, la vie des sols, les mycorhizes, les cépages anciens et oubliés, les bio contrôles autant d'alternatives qu'il est urgent d'explorer face à l'accélération de la pression sociale et du réchauffement climatique.

Aujourd'hui, les AOC de France doivent prendre conscience de la totalité des enjeux qu'entrainerait l'usage de cépages résistants :

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Les premiers plants dit résistants commencent à être mis en place dans le vignoble y compris d’AOC, même s’ils ne peuvent y prétendre.

Les AOC sont définies comme étant produites uniquement avec nos cépages de Vitis Vinifera sélectionnés par les usages loyaux et constants. Introduire des cépages résistants nécessitera donc de changer la définition de nos AOC.

C'est ce à quoi s’emploie la CNAOC en organisant un lobbying puissant auprès de nos ministres pour que cela soit acté à la prochaine réforme de la PAC, trahissant ainsi les vignerons dont elle est le mandant.

Folie ! Le risque est de voir des cépages hybrides stériles modifier l'intégrité de nos AOC et en détruire brutalement la promesse.

Une AOC c’est un patrimoine qui appartient à l’ensemble des vignerons qui la composent certes mais pas que. Une AOC c'est aussi une promesse envers les consommateurs qui engage et oblige : l’héritage d’un savoir-faire ancestral, d’une responsabilité humaine et environnementale, d’une image et d’un engagement forts. C’est la certitude pour les amateurs, qu'au-delà du prestige des marques, ils trouveront un savoir-faire incroyable, une transmission d’âge en âge, de génération en génération, le respect du temps long et des gestes des hommes. La promesse d’une AOC c’est d’abord une éthique avant d’être un goût.

Il est nécessaire de réagir vite, j’appelle toutes les AOC de France à prendre conscience des enjeux.

 

Xavier Planty

Copropriétaire de Château Guiraud (1er grand cru classé en 1855) Certifié Bio

urgence.aoc@gmail.com

 

 


  Date de publication : il y a 4 ans, par : Château Guiraud
             

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